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Emanuele Farneti, directeur de Vogue Italia rencontre Riccardo Pozzoli, directeur de la création de Condè Nast Social Talent Agency.

Emanuele Farneti : Cette rencontre naît pour réfléchir sur ce que signifie le luxe aujourd’hui dans nos mondes respectifs. J’ai appelé Riccardo Pozzoli parce que je crois que parler de communication de nos deux points de vue, respectivement celui d’un directeur au parcours traditionnel et d’un entrepreneur natif numérique, puisse être intéressant. Que signifie le luxe pour toi, pour ta génération ?

Riccardo Pozzoli : Massimo Bottura m’a dit : « Pour moi le luxe est synonime de temps ». C’est un concept intéressant pour les consommateurs des luxes matéirels des dernières générations. Aujourd’hui il a évolué et va au-delà du fait de dire « J’ai du temps pour faire des choses » : aujourd’hui nous parlons de qualité, de vivre des expériences mémorables pour lesquelles cela vaut la peine de jouir du temps.

E.F: Cela a-t-il un sens de parler de luxe à un moment où un changement culturel est inévitables pour l’avenri de la planète ? Est-ce que cela a un sens d’emmener mille personnes à l’autre bout du monde pour un défilé qui dure douze minutes ? Nous devons tous nous remettre en cause, et je le dis comme directeur d’une revue qui, en Italie et dans le monde, est le lieu du luxe. Notre ADN a été pour des générations celui de convaincre à consommer plus, mais cela a-t-il encore un sens aujourd’hui ?

R.P : C’est une question intéressante à envisager du point de vue numérique et la technologie doit nous aider. La réalité augmentée, la réalité virtuelle ou d’autres technologies ne remplaceront pas la créativité humaine, mais aideront à faire vivre quelque chose de manière potentielle.

Par exemple, un défilé, qui il y a seulement quelques années était une chose exclusive, peut-être vécu aujourd’hui avec la technologie. La technologie a démocratisé l’approche du luxe. Ceci vaut également d’un point de vue de la responsabilité et de la durabilité environnementale, économique, sociale.

E.F : L’équilibre entre les expériences exclusives et inclusives est l’un des thèmes d’aujourd’hui. Ce soir nous essayons de répondre à la question de savoir quel est le point d’équilibre entre l’ancien monde de l’imprimé que je représente ici et le monde des nouveaux médias représenté par Riccardo. Racconte nous pour commencer comment tu as pour l’essentiel inventé un travail qui n’existait pas ?

R.P: En octobre 2009 je terminais mon master en marketing à l’Université Bocconi. J’étais aux états-unis et je me rendis compte que le marché américain commençait à tenir compte des opinion leader numériques qui émergeaient à peine. Il n’y avait pas Instagram, ni Snapchat, c’étaient les utilisateurs de community, des gens qui laissaient des commentaires sur Amazon ou les quelques uns qui arrivaient sur la page Facebook. Je connaissais bien Chiara Ferragni et nous avons commencé avec « The Blonde Salad » qui a ensuite évolué dans des choses magnifiques :blog, magazine, media company, e-commerce. 

Dans ces années j’ai acquis des expériences fondamentales et une vision de l’évolution de l’influenceur marketing, en restant toujours très ouvert, en ne mettant pas d’étiquettes sur ce qui se passait et sur ce que les gens faisaient. a. En 2010, les entreprises du luxe me demandaient encore : « Expliquez-nous ce qu’est un blog ? Comment pouvons nous travailler ? ». Je ne le savais pas, j’avais un diplôme en finance. Mais j’essayais de comprendre leurs besoins, c’est à dire de donner vie à une expérience nouvelle, celle que les journaux ne parvenaient à créer.

E.F: J’ai débuté comme vidéo-journaliste, en documentant avec une caméra analogique en temps réel ce qui se passait en ville. C’était un prjet sur le modème de la télévision new-yorkaise NY1.

J’ai ensuite rencontré un grand directeur comme Andrea Monti qui m’a embauché chez GQ. Après des expériences dans différentes maisons d’édition, quand Condé Nast a eu besoin de quelqu’un pour remplacer une personne irremplaçable comme Franca Sozzzani j’ai été choisi parce que j’avais un profil non de technicien de la mode, mais purement éditorial. Ce qui me plait le plus dans mon travail c’est que Vogue Italia est une plateforme extraordinaire grâce à la manière qui a été mise en place depuis des années pour utiliser différents langages et canaux sans que l’un n’exclue les autres. Je ne crois pas qu’il y ait un autre média en Italie et peut-être dans le monde qui permette de faire ce travail.

R.P: Vogue Italia est-il un écosystème ?

E.F: Si je dois imaginer un moment qui synthétise nos activités, je pense à un jours du dernier mois de juillet. J’étais à Bruxelles pour un projet réalisé sur l’Europe sur Uomo Vogue. J’avais été invité au Parlement Européen où j’ai eu une série de rencontres pour comprendre s’il était possible de poursuivre ce projet. Au même moment mon bureau de Milan était démonté pour construire un plateau de Barbie que nous étions en train d’  « embaucher » comme reporter spécial pour la semaine de la mode.

Ce petit exemple représente la variété, dans une seule journée, de la gamme d’activités qui tournent autour de Vogue Italia. Avec 3 200 000 followers sur Instagram, Vogue Italia a le double de followers de tous les autres journaux du secteur réunis, six fois plus de celui du premier quotidien italien, C’est la preuve de comment, au fil des ans, a été construit un média avec une audience vraiment internationale.

R.P: Cette popularité sur les réseaux sociaux reflète-t-elle aussi cette puissance, cet héritage ?

E.F : Les 3 000 participants à la fête que nous avons organisée, il y a trois ans, sous la direction créative de Riccardo Tisci étaient la représentation plastique de toutes les sortes de personne qui sont proches de la marque Vogue : des amies du journal à l’époque de Franca aux jeunes des écoles de mode, des célébrités aux personnes qui ont un travail « normal » dans les entreprises, tous heureux et liés à la marque d’un point de vue émotionnel. Veux-tu nous parler de l’activité que tu développes chez Condé Nast qui dispose de marques historiques comme Vogue Italia et Vanity Fair, mais ne renonce pas à tenter de mettre un pied dans de nouveaux mondes ?

R.P: L’année dernière nous avons lancé Condé Nast Talent Agency, le premier pas véritable de Condé Nast sur la planète influenceurs. Il n’était pas évident pour le monde de l’édition de franchir un pas aussi important. L’agence sélectionne et gère une série de personnalités du monde numérique, capables d’entretenir une communauté sur une thème tendanciellement vertical.

E.F: Comment les choisissez-vous ?

R.P : Nous avons une approche qualitative, non quantitative. Aujourd’hui le monde Condé Nast a besoin de points de vue personnels sur différents thèmes. Ceci n’apporte pas nécessairement des millions de followers mais $créé une community extrêmement ciblée. Avec ces talents nous voulons aussi entrer dans des projets de communication intégrée avec d’autres properties.

E.F. : Quand le choix d’Instagram est-il éthique et quel contrôle des données ?

R.P: Il y a 50% d’éthique et 50% de stratégie : si tout le monde poste les mêmes contenus parce que ce sont ceux qui performent le plus à court terme, le divertissement se banalise. « Long term » peut vouloir dire que dans trois ans peut-être naîtra un nouvel Instagram, plus intéressant, où les gens se sentiront libres de poster ceux qu’ils veulent, en créant une richesse de contenus qui pourraient créer le succès contre celui d’Instagram.

E.F: Instagram est pour nous un outil de promotion extraordinaire, en effet il y a une correspondance entre les couvertures qui ont le plus de succès numérique et les résultats en kiosque.

R.P : À part la couverture quoi d’autre est posté par Vogue Italia ?

E.F : Un projet éditorial comme Vogue Italia ne créé pas des contenus uniquement en fonction du nombre de like qu’ils obtiendront. Les talents avec lesquels nous travaillons sont plus intéressés à développer un récit qui ne s’arrête pas à l’image et qui comporte non seulement des vidéos de grande qualité, mais d’autres projets de communication, avec le directeur créatif Ferdinando Verderi, sont pensés comme une séquence. Quand je travaillais dans un quotidien on disait que le matin à 9 heures le journal était déjà bon à emballer le poisson, cela vaut pour tout périodique.

Instagram doit nous faire penser à un autre cycle de vie des idées, des informations : si l’on cueille un moment de communication fort, il faut pouvoir le porter en avant jusqu’à ce qu’il génère de l’attention et y adjoindre d’autres activités online et offline. C’est facile à dire et difficile à faire parce que cela comporterait une organisation du travail très différente et des personnes, à nouveau, forées pour intercepter ces idées et les mettre en avant. Le papier disparaitra-t-il, Pozzoli?

R.P: Cela ne disparaîtra pas mais, rationalisera vers une communication et un divertissement, comme tu le dis, plus extemporel. Le papier ne peut plus penser travailler sur l’information parce que la technologie le fait mieux, mais sur l’approfondissement de questions qui peuvent êtr ensuite traitées sur des médias différents.

R.P: Vu que nous sommes dans ce lieu merveilleux, quel est la relation de Vogue Italia avec le monde du design ?

E.F : Le projet que nous réalisons pour le Salone est un exemple de ce qu’est l’équilibre entre être ouverts et démocratiques et ne pas perdre l’élément de rêve qu’une marque comme Vogue Italia porte en elle. Le projet du Salone me tien à cœur parce qu’il s’agit d’un moment d’ouverture. Depuis deux ans nous appelons huit designers, architectes, créatifs qui réinterprètent complètement nos bureaux d’après ce qui est, selon eux, l’esprit de Vogue Italia. Le thème est toujours différent et les projets sont extraordinaires, mais le plus extraordinaire est que nous le faisons pour ouvrir au public qui, dans ces journées, peut visiter les bureaux de Vogue Italia.

À nouveau on voit l’affection et la curiosité que les gens portent à une marque de plus de cent cinquante ans qui a su se renouveler. Il y a une file d’attente pour faire le tour des bureaux. C’est sans doute le meilleur moment de l’année dans la vie du journal. Le monde du design toutefois n’utilise rle numérique, pour le moment, que de manière prudente. Pourquoi ?

R.P: Le caractère artisanal et traditionnel de nombreuses entreprises du design a aussi changé leur façon de faire du marketing. C’est une approche conservatrice qui pour moi est une énorme opportunité : cela signifie que ce monde a encore beaucoup d’espace, il a encore des opportunités. C’est le bon moment pour construire la bonne plateforme. Les entreprises doivent trouver leur propre ADN aussi dans le numérique.

Souvent la communication numérique est vue comme liée aussi à la vente en ligne que le monde de la mode a immédiatement adopté. De ce point de vue aussi le monde du design a pris du retard, mais là aussi on note des singes d’une évolution Comme nous parlons de quelque chose d’extrêmement riche, y compris du point de vue des expériences, un showroom comme celui-ci sera toujours essentiel pour connaître le produit, la culture et les valeurs de la marque ; puis, d’un point de vue numérique, il faudra trouver la stratégie omnichannel pour continuer à raconter. Les outils existent, même dans un secteur conservateur comme le monde du design peut franchir le pas.

E.F : Je suis toujours frappée par la manière dont l’autorité apportée par le papier soit recherchée par des personnes et formées dans un contexte numérique. Par exemples : des amies influenceuses choisissent comme photo de profil Instagram la couverture qui leur a été consacrée par quelque magazine, même s’il est encore mineur ; Business of Fashion célèbre sa liste des 500 noms les plus influents de la mode en éditant un journal papier ;

un grand outil numérique comme Il Post célèbre ses neuf années d’existence avec un recueil papier de ses meilleurs articles. Et dans le dernier Uomo Vogue il y a même la publicité d’un influenceur. Un bon signal : cet ami croit tellement à l’autorité de la presse qu’il a acheté une page pour faire sa promotion !

R.P. : C’est justement le message, dans le numérique nous savons tous nous raconter parce que nous le faisons nous-mêmes. Dans le monde du papier ce sont des professionnels qui racontent qui nous sommes : la recherche de cette autorité laisse toute son importance à la presse. La recherche de la qualité aussi comme ce que fait Vogue Italia est la clé pour conserver cette importance pendant au moins les cinquante prochaines années.

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